iGor milhit

Ne pas fermer la porte

Ne pas fermer la porte. Ce billet est la suite de Ouvrir des possibles, et c’est amusant parce que je vais aborder ici ce sur quoi je pensais écrire la dernière fois. Encore que ce n’est pas tout à fait certain. Parce que je ne sais pas trop comment écrire sans être…, sans être ce que je suis, un vieux con qui ne sait pas trop comment faire pour trouver un semblant de sens, afin de continuer à avancer, à accompagner le mouvement, mais pas n’importe lequel, bref, on sent bien que tout ça n’est pas très clair. Mais le truc, c’est qu’on ferme trop souvent la porte, je ferme trop souvent la porte et que c’est devenu complètement irresponsable.

Tu vois, je te l’avais bien dit, le vieux con moralisateur qui sort son gros doigt grondeur1. Irresponsable. Et puis quoi encore ? Chacun, chacune fait ce qu’elle peut. Mais, quand même, on s’est lancé dans un gros bordel. Et quand je dis « on », je ne sais pas bien de qui on peut parler, même si tout le monde n’a pas la même responsabilité.

L’idée est la suivante : quelqu’un partage autour d’elle ou de lui une lecture, une idée, une façon de faire autrement, quelque chose quoi, avec l’envie que ça puisse participer à faire réfléchir, à changer de direction, n’importe quoi qui ne soit pas se résigner à s’envoyer à toute vitesse contre le mur. Même si, peut-être bien qu’il n’y a pas d’alternative.

Franchement, on dirait du Thatcher. “Tina”. “There is no such thing as a society”.

Donc, quelqu’un propose un pas dans l’inconnu, un pas dans un espace encore jamais parcouru, un pas peut-être maladroit, qui n’aurait pas pensé à tout, et quelqu’un d’autre, par exemple moi, objecte directe, porte fermée, pas possible, pas bien, pas suffisant. Et c’est facile, parce que l’histoire humaine connue, qui n’est pas grand chose par rapport à l’histoire humaine si ce n’est inconnue, du moins mal connue, cette histoire est une longue suite d’échecs, de solutions catastrophiques, une accumulation de faits décourageants.

Voilà, on n’a rien gagné. Pas avancé d’un poil. L’horloge égraine les secondes, la faucheuse rigole sous cap.

Et parfois, c’est légitime, y a un biais à débusquer, une réalité à ne pas oublier, un ordre de grandeur à garder à l’esprit, un point essentiel escamoté sous le tapis, on ne peut pas tout laisser passer, c’est paradoxalement ce qui nous fait avancer, mais l’essentiel est de le faire en ne fermant pas la porte, en ne fermant pas toutes les portes, en laissant la possibilité de quelque chose, d’une surprise, bonne ou mauvaise. On doit pouvoir se dessiller les yeux, s’aider sur ce chemin, sans nécessairement s’enfermer. Même s’il devait ne pas y avoir de sortie possible.

Quelque chose me dit que l’enfermement m’obsède. :thinking:2

Aussi, il faudrait s’entraîner à débusquer le détail qui est intéressant, qui donne à penser, qui inspire, qui donne envie, au moins d’essayer. Oui, il s’agit de faire une révolution copernicienne, mais cette fois pour de vrai, une inversion des pôles du désir et c’est de l’ordre de l’impossible. Et alors, pourquoi ne pas le tenter ?


  1. HERMANN, 1995. Sarajevo-Tango. Dupuis. ISBN 978-2-8001-2269-4. Faudrait que je la relise, cette BD, histoire de voir quelles conneries à bien pu dessiner Hermann sur ce sujet, bref. ↩︎

  2. En emoji dans le texte. ↩︎