La guerre civile en France, 1958-1962

Il s’agit d’une thèse, publiée initialement en 2016, puis traduite en français et publiée à La Fabrique en 2018. Je l’ai lu parce que ce texte avait été signalé à quelque part, je ne sais plus dans quel article ou billet de blog. Le signalement était bon, parce que ce livre est essentiel pour comprendre la France d’aujourd’hui, celle de la dissolution de l’Assemblée nationale par Macron, celle d’une extrême-droite puissante, d’un extrême-centre de plus en plus autoritaire, xénophobe et raciste, et d’une gauche qui ne survit que par la combativité de la France insoumise. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est autant attaquée et diffamée.

Ce livre fait partie des livres qui m’ont marqué ces derniers mois, et pourtant je ne l’ai pas trouvé facile à lire. Très prenant, parce qu’on suit une chronologie dense, mais parfois ardue à suivre de par la richesse des détails historiques. Une autre manière de dire que mes connaissances en histoire contemporaine, ou récente, manquent de détails. J’avais de la peine à le lâcher, parce que j’ai trouvé passionnant de découvrir cette histoire d’il y a 6 ou 7 décennies, surtout que ce qui s’y passe ne rentre pas bien dans les catégories toujours trop simplistes que je me suis construites. C’est toujours la même chose, les gros traits, de loin, ça permet de se faire une idée, mais plus on s’approche et plus on fait attention au détail, moins les distinctions sont opérantes.

Par exemple, malgré bien des éléments qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille, j’avais dans l’idée que la France de Pétain et celle de de Gaule était plutôt antagonistes. Or, il s’avère que pas tant que ça. Après réflexion, c’est pourtant assez évident qu’il existe des porosités entre réactionnaires et conservateurs, à moins que ce soit l’inverse.

Mais il y a plus évident encore que cela, c’est la colonisation. J’ai souvent pensé au Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire en lisant ce livre, parce qu’il est tellement évident que la France est fondamentalement structurée par l’expérience du colonialisme – bien que les colonisés et les colonisées soient assez peu présentes, la focale étant essentiellement centrée sur les événements politiques en métropole et chez les colons. Et justement, c’est l’incontournable actualité de cette époque qui me frappe. Lire ce livre pendant la période qui suit les législatives en France, en 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée par Macron, est une expérience surprenante. On a l’impression de retrouver les mêmes blocs, ou presque. Et on finit par admettre ce qu’on savait déjà, mais on ne savait pas à quel point c’était vrai, que la 5e répuprout a l’autoritarisme et la conviction antidémocratique chevillée au corps, et reste impérialiste et raciste.

D’ailleurs, puisque l’on parle de colonisation, j’ai eu l’occasion de suivre une visite commentée de l’exposition au MEG, Mémoires : Genève dans le monde colonial, et je recommande tout autant que le livre. Une autre manière de comprendre que le colonialisme est central dans la constitution de nos consciences collectives, et explique bien des éléments du présent. Je pense bien entendu beaucoup à la Palestine.

La référence complète du livre : ANDERSON, Grey, 2018. La guerre civile en France, 1958-1962 : du coup d’État gaulliste à la fin de l’OAS. Paris : La Fabrique éditions. ISBN 978-2-35872-167-7.